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Tout est parti d’un souvenir d’enfance qui marque pour le restant de votre existence. Enfant, donc, la sociologue Kaoutar Harchi vit un de ses petits camarades, Mustapha, « cinq ans, six ans », se faire mordre par un berger belge malinois de la police. La réaction des habitants du quartier ne se fit pas attendre, à demander de faire « crever ce chien qui attaque nos gosses – et les policiers de rétorquer – C’est vous les chiens, c’est vous qu’on va crever ». Confusion : « Qui étaient les animaux ? Qui étaient les humains ? »
D’ordinaire, « nous disons : eux les animaux ; nous, les humains afin que demeure la frontière qui sépare l’animalité de l’humanité ». Mais il arrive que des hommes s’en mêlent et remettent en question l’humanité de certains. Des noms d’animaux fusent alors : « Rat, bicot, mangouste (…), vermine, vipère. » D’où peut venir un tel procédé ?
Explorant l’histoire occidentale de la période moderne à nos jours, Kaoutar Harchi, dans Ainsi l’animal et nous, montre comment l’opération de hiérarchisation des espèces qui repose sur la séparation nature-culture finit toujours par avoir des conséquences dramatiques. Non seulement pour les animaux mais également pour certaines catégories de population, notamment les colonisés, les femmes et les ouvriers.
Tout ce qui a été entrepris pour dominer, exploiter, contrôler, encadrer ces humanités-là a d’abord été expérimenté auparavant sur les animaux, soutient-elle. « La domination de l’humain sur l’animal n’est en rien une domination close sur elle-même mais, bien au contraire, une domination ouverte, qui ouvre sur une autre : la domination des humains sur d’autres humains. » C’est ce qu’elle appelle l’animalisation. Dès lors, « l’animalité se révèle être un état, non biologique, mais politique », qui conduit aux pires atrocités.
Le propos peut sembler excessif. Mais les nombreux exemples avancés viennent – il faut le reconnaître – ébranler les réticences que nous pourrions avoir à suivre la chercheuse dans sa démonstration extrêmement documentée. De la chasse et de l’élevage des animaux à ceux des Amérindiens, il n’y a qu’un pas que les colons ont franchi, capturant des hommes et des femmes faits mâles et femelles, mis en cage, au travail et forcés à se reproduire.
Du gavage des oies à celui des suffragettes emprisonnées et en grève de la faim pour défendre les droits des femmes et, pour certaines d’entre elles, des animaux, le pas a aussi été franchi. Tout comme pour les expérimentations sur les souris devenues expérimentations sur les corps humains par les nazis et autres eugénistes. Quant au travail à la chaîne et au taylorisme, il trouve son origine dans les grands abattoirs de Chicago…
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